Antilibéralisme
Pourquoi écrire ce texte?
Le libéralisme est aujourd’hui tellement imposant et imposé dans nos façons de voir le monde qu’il est difficile de ne pas prendre position. A l’inverse, notre antilibéralisme a été fondateur dans notre approche éthique du monde, donc de notre charte et de nos décisions collectives. Il nous paraît alors important de partager notre position face au libéralisme. Ce texte a aussi pour but d’éclaircir les justifications politiques de nos différents fonctionnements.
Lors de ce chemin vers une critique radicale du libéralisme nous nous sommes aperçu que ce libéralisme, économique et culturel, était effectivement partout. Tellement, que nous étions nous même gangréné par la philosophie libérale -nous nous organisons collectivement encore aujourd’hui pour nous en sortir- et avions vu et expérimenté que le libéralisme est une gangrène à l’intérieur même de nos luttes, au sein même de l’anarchisme que nous défendions (voir le texte anarchocommunisme). Nous souhaitons donc par ce texte nous détacher, radicalement, de l’anarchisme individualiste1, représentant pour nous une des formes les plus développées du libéralisme.
Nous n’avons pour autant pas renié l’anarchisme d’un bloc même si ce fut tentant à certains moments. Nous hésitions car nous avions vu que l’anarchisme hégémonique [Domination souveraine exercée sur quelque chose] dans les milieux où nous évoluions (i.e. individualiste) définissait la liberté comme étant individuelle, comme un pouvoir de faire ce que l’on veut et donc de s’abstraire des nécessités de la vie 2. Le libéralisme partage cette même définition. Elle nous semble fausse et néfaste, et nous nous y opposons. Ce texte permet alors une introduction à notre vision de la liberté, qui définit notre façon de vivre et de nous organiser au Mallouestan. Pour avoir la version complète de notre vision de la liberté voir travail et liberté.
Qu’est-ce que le libéralisme? Comment définissons nous notre antilibéralisme?
Nous allons dans cette partie prendre plusieurs formes du libéralisme, inspirées de certains de ces penseurs et détracteurs. Cette diversité n’a pas prétention à être exhaustive, elle nous permet de présenter nos points de divergences tout en fournissant un travail à minima sourcé sur le libéralisme. A chaque point, nous allons détailler nos arguments expliquant notre position théorique, et le cas échéant les aspects néfastes du libéralisme.
Le libéralisme peut être défini comme un courant de pensée, un élément culturel ou encore une organisation politique et ou économique. Sous toutes ses formes, le libéralisme est centré sur la notion de liberté individuelle et de sa valorisation.
Cette liberté individuelle est définie par de nombreu-x-ses libéraux et notamment par Benjamin Constant de manière négative3. La liberté individuelle existe dans l’absence d’entrave à effectuer notre propre volonté. La volonté serait, dans cette définition, la capacité à effectuer un choix sous motifs rationnels. La notion de volonté ou de choix ne survivant pas à un examen matérialiste, le concept même de liberté individuelle nous semble donc caduque. Voir le texte matérialisme. Si tout est matière et que nous suivons les nombreuses études4 détaillant la multiplicité et la complexité des interactions entre les choses et êtres vivants, il est impossible d’imaginer qu’une individualité soit indépendante (qui ne soit donc pas entravée par ce qui l’entoure). Dans notre cas ici, il est impossible de penser qu’une personne puisse développer une capacité de raisonnement indépendante et / ou éclairée. En effet, de nombreuses conditions matérielles influent sur nos capacités décisionnelles, de notre niveau de fatigue aux - plus surprenant - nombreuses formes de vie qui nous habitent (microbiote, taxoplasmose…)5. Et même si vous n’êtes pas porté-e sur la biologie, il est indéniable que nous sommes en lien continu avec nos adelphes humain-e-s par des liens directs de communication, ou par des liens indirects d’organisation sociale. Les organisations sociales nous préexistent et ont l’expérience de la formation de centaines - voire de centaines de milliers de personnes avant nous. Ces organisations ont des systèmes de défenses et de reproduction d’une efficacité redoutable face à notre misérable petitesse individuelle. Pouvoir penser que nous serions en mesure, individuellement, d’être indépendant-e face aux années d’endoctrinement, d’habitudes et de réflexes sociaux ou cognitifs pris au cours de notre vie, est aussi illusoire que néfaste. Néfaste, car s’il nous est strictement impossible d’être indépendant-e-s et de pouvoir avoir des choix, alors notre liberté se résume au mieux à une suite d’habitudes, ou au pire à des réponses immédiates et irréfléchies à nos envies et pulsions. La liberté sous ses termes nous rend esclave de nos envies et pulsions. Ce que le libéralisme économique exploite.
Le libéralisme économique est le libéralisme appliqué à l’économie. Il est la favorisation des libertés individuelles (d’entreprendre, de propriété privé, de consommer…) dans un contexte d’économie de marché. L’économie de marché est une organisation décentralisée formée par l’agrégat des échanges individuels cherchant l’accroissement des richesses.
Adam Smith, précurseur de la pensée du libéralisme économique, a proposé dans sa théorie que par la défense des intérêts individuels dans un contexte d’économie de marché on atteindrait le bien commun. Ceci ne fonctionne qu’en théorie. John Forbes Nash, mathématicien et économiste développe dans la théorie des jeux le dilemme du prisonnier. Par cette analyse, il démontre qu’en certains cas (nombreux), la recherche de l’intérêt individuel amène à une diminution du bien commun6 et que ce dernier est souvent atteint au final en sacrifiant l’intèret de certains individus au profit d’autres.
Si des théories contredisent cette pensée, l’application au monde réel nous paraît tout aussi fumeuse. En effet, l’application se colle sur une société de classe, une société de rapports de domination où certain-e-s, les plus pauvres, sont appelé-e-s à être des individu-e-s pendant que les autres s’allient et amassent les richesses. Le libéralisme permet d’asseoir une domination en laissant penser aux opprimé-e-s qu’iels sont libres.
En pensant que nous serions libres spécifiquement d’être oisif-ve-s, ou de ne pas avoir à nous confronter à nos conditions matérielles, comme le libéralisme le plus récent nous le laisserait penser, nous serions nous-mêmes à la merci du système pour pouvoir répondre à nos besoins. Être oisif-ve-s à outrance, c’est ne pas fournir de travail. Or, si nous ne travaillons pas, nous ne sommes pas à même de répondre nous-même à nos besoins. Dans ce cas, nous sommes dépendant-e-s du travail des autres pour assurer la réponse à nos besoins. Le travail des autres est aujourd’hui inscrit dans le système capitaliste. Dans cette situation de dépendance au système, nous ne pouvons que conforter l’exploitation, l’extractivisme, le chaos climatique, le patriarcat… Bien que le chemin vers l’autonomie sur les moyens de production soit aujourd’hui un chemin long et difficile, il nous semble qu’il doit être entrepris par solidarité pour nos adelphes du monde entier. Voir le texte sur l’autonomie.
Plus tard, John Stuart Mill, auteur de “De La Liberté” nous invite à penser la distinction entre le privé et le public. Le privé serait la sphère de l’émancipation de la liberté individuelle et le public la sphère incompressible de la nécessité de l’organisation collective pour justement garantir les libertés individuelles. La plupart des penseurs (ou les plus connus) voient cette organisation collective sous la forme d’un État et donne ainsi une justification philosophique à l’existence d’États.
Nous nous opposons à cette vision. Il nous semble dangereux qu’une sphère de nos vies s’éclipse totalement d’une gestion collective. En effet, comme pour l’économie, être oisif ou laisser faire, c’est laisser s’exercer des oppressions systémiques.7 10[Mona Chollet, chez soi]
Nous ne souhaitons pas avoir un droit de regard sur toutes les activités de nos membres, mais il nous paraît primordial de pouvoir instituer des règles régissant les espaces à usage personnel. Il est impensable que l’espace privé puisse être une justification à des agissements oppressifs et problématiques.
Nous sommes également contre l’Etat et ses justifications. L’Etat est une formation structurelle du politique que nous souhaitons voir disparaître. Un État entraîne nécessairement par la représentation une perte de liberté à agir sur ces conditions matérielles par l’organisation collective. De plus, l’Etat étant la forme politique donnant les conditions d’existence du capitalisme et du libéralisme économique, autant se débarrasser des trois.
Nous ne souhaitons pas que destruction. Il existe en effet des alternatives d’organisation pour instituer un système de droits fondamentaux qui a les moyens de se défendre. Voir le texte sur l’anarchocommunisme qui précise notre vision sur l’organisation politique collective qui nous semble souhaitable.
Le libéralisme a aussi une dimension dite culturelle suivant la taxonomie de Gramsci et de son analyse de l’hégémonie culturelle8. Il analyse de manière marxiste l’importance de la culture dans la manipulation des foules. Le libéralisme culturel devient un instrument de pouvoir des dominants favorisant les libertés individuelles et leurs exercices. Une fois les structures sociales de solidarité anéantie et les personnes individualisé.e.s, le pouvoir peut effectivement permettre des libertés individuelles, car toute liberté exercée de manière individuelle ne peut être que inoffensive. C’est l’adage “diviser pour mieux régner” pousser à son paroxysme. Nous ne formons presque plus de groupe, nous sommes traités comme de simples individualités.
Michel Clouscard est certainement notre plus grande référence sur la critique du libéralisme9. Il analyse notamment la fin des années 60 et notamment les événements de mai 68 comme une nouvelle victoire d’un libéralisme changeant. En Mai 1968 il y eut le plus grand mouvement social en France du XXème Siècle. Il s’effectue après 10 ans de présidence du conservateur Général De Gaulle, ces même 10 ans du début des Trente Glorieuses. Un pan entier de la société se révolte contre l’autorité et les valeurs conservatrices ainsi que contre leurs conditions matérielles qui ne sont pas à la hauteur de la croissance engrangée pendant ces 10 ans. Ce moment est vu, notamment à gauche, comme un moment de révolte, de succès et de progrès social. Grâce à l’analyse de Clouscard, nous pouvons maintenant voir ce moment comme un moment fondateur de la traîtrise de la gauche envers les travailleurs et les prolétaires.
Clouscard analyse que durant cette période les ouvriers et autres travailleurs ont été globalement silenciés alors que particulièrement nombreux à participer aux manifestations et aux grèves. Dans le même temps, ce sont les étudiants de Nanterre et de la Sorbonne, enfants de l’élite au pouvoir, qui ont bénéficié le plus de médiatisation et à l’accès à leurs revendications, libérales. “Il est interdit d’interdire”, “jouir sans entrave”10 sont des slogans qui entrent totalement dans une approche libérale. C’est la pensée que la liberté ne peut être vécue que dans une absence d’entrave à pouvoir exercer sa propre volonté. Certaines figures, notamment Cohn BenDite s’autoproclament même “libérale libertaire”.
Clouscard explique dans son analyse la différence de traitement entre les étudiants et les travailleurs. Les étudiants en université sont les enfants de l’élite au pouvoir. D’abord, il est évident que les élites au pouvoir n’engagent pas l’armée ou des moyens destructeurs contre la propre reproduction de leur pouvoir. Ensuite, alors que le communisme est encore particulièrement présent chez les ouvriers, les revendications de ces enfants de bourgeois-e-s ne remettent pas en cause le système, iels prennent de nouvelles valeurs nécessaires à l’évolution du système capitaliste en rejetant celles qui sont obsolètes. Et ce sont bien ces soixante-huitards qui ont remplacé nos élites, la gauche se trouvant alors gangrénée de principes libéraux et progressistes. L’anarchie, notamment sous sa forme individualiste, se trouvant corrompu par ces mêmes principes.
Les économies européennes, ont pu bien rattraper leur retard depuis les destructions de la seconde guerre mondiale. A ce moment, elles ont besoin pour continuer une croissance de trouver de nouveaux débouchés. Elles la trouvent dans cette nouvelle gauche libérale par la libéralisation des mœurs. Ce libéralisme culturel va faire naître des désastres au travers notamment de la pornographie, l’ésotérisme ou encore le détournement de la culture populaire en une “culture pop”.
L’esclavage, notamment sexuel des femmes, n’est pas nouveau, le libéralisme n’en est pas coupable. Le pornographie est par contre une nouvelle facette de cette exploitation qui se massifie à cause du libéralisme. La pornographie est un fléau de notre société. Elle rend disponible en quelques clics le corps des femmes et les normalisent comme simple commodité. Des millions de femmes chaque année sont victimes de viols et violences directement liés à l’industrie de la pornographie11. Nous recommandons ces lectures sur ce sujet: Pornland, Gail Dines, Pourquoi Refuser d’Être un Homme, John Stoltenberg.
L’ésotérisme moderne européen nous semble également un désastre, le texte sur le matérialisme et l’ésotérisme développe ce point, pas besoin de s’y attarder ici.
La culture pop est un fléau, également. Cette culture qui n’en a que le nom est un exemple terrible de novlangue [un langage contrôlé destiné à déformer une réalité]. Cette culture est proclamée populaire alors qu’elle ne provient que de l’élite. Par le quasi monopole du moyen d’accès technologique à la culture, l’écran, tout contenu culturel (film, musique, littérature…) passe par une organisation capitaliste et libérale. L’art, en tant que pratique, est beaucoup moins présent dans les différents milieux prolétaires et ruraux. On appelle culture pop, ce qui plaît au peuple, pas ce qu’iels créé. La culture actuelle plaît effectivement. Ce n’est pas difficile quand la concurrence a été balayée. Mais elle touche particulièrement parce qu’elle est indolore, incolore, filtrée, prémachée… Le plus grand nombre s’y retrouve et elle ne demande rien. Que du temps disponible. Ce que l’on donne volontier, fatigué d’être salariés, exploités, rien ne vaut un canapé-télé. La boucle est bouclée, le temps sacré, privé, dit “libre”, lui-même est dévolu à ingérer des produits libéraux et capitalistes. Et ceci, c’est pour les bourgeois planétaires. Pour les prolétaires du Sud Global, c’est l’exploitation, l’extractivisme, l’expropriation… pour nous permettre ces moments de grandes libertés.
Mais ça ne s’arrête pas là. Le libéralisme a intégré nos luttes. Le libéralisme exploitant déjà un marché conséquent, il se sert maintenant à la marge, notamment politique. Il se sert de l’innovation sociale pour générer de nouveaux produits, des t-shirts du Che, des stickers des Black Panthers, des modes rebelles au pantalon troué, aux piercings et tatoos, une cigarette au coin des lèvres. Mais aussi des marchés entiers, le marché des produits vegan par exemple. Ce marché qui n’existait pas avant les animalistes. Au lieu de venir d’un mode de production autonome, les produits proposés ont pour but d’avoir le même goût, la même texture mais sans la mort directe d’un animal. Et pour les produire, La moissonneuse batteuse qui détruit ou tue à chaque passage des habitats et des personnes animales continue. L’exploitation humaine coloniale pour traiter les noix de cajou continue. La production des gaz à effet de serre liés au transport de ces aliments ultra transformés qui viennent des quatre coins du globe continue.
Le libéralisme sous toutes ses facettes nous semble aussi mal ficelé que néfaste. Nous nous y opposons de manière frontale et sans détour. Mais comment cela se traduit-il au Mallouestan?
Comment devenir antilibérale? En quoi le Mallouestan est antilibérale?
Nous ne concevons pas qu’il puisse suffire d’être critique envers le libéralisme pour s’autoproclamer antilibérale. Dans notre vision matérialiste, il faut inscrire nos corps dans la lutte pour la destruction des conditions matérielles nous aliénant à ce système et dans celle de la construction de conditions matérielles favorisant notre indépendance face à ce système. Nous conseillons pour mieux comprendre notre posture, d’aller lire notre texte sur le militantisme.
C’est d’abord par un éloignement à l’égard des groupes militants dit libertaire mais bien souvent libéraux favorisant la cancel culture12 (bien que cette pensée ne soit pas libérale en soi) que nous avons pu nous instruire et nous nourrir d’une grande diversité de point de vue et de critiques constructives quant aux oppressions et systèmes que nous voulons voir disparaître. En effet, nous avons pu nous nourrir au Mallouestan d’échanges constructifs où les points de vue ne sont pas éliminés avant même d’être exprimés totalement. Étant un lieu accueillant toute l’année des visiteuseurs de toutes la France et même d’Europe (en de rares cas d’autres continents), nous avons bénéficié d’avis divergents nous poussant toujours plus à la critique et à l’auto-critique. Notre bibliothèque reflète également ce parti pris politique, nous n’émettons pas de censure. Cette ouverture et l’autocritique cultivée individuellement et collectivement nous ont permis de nous remettre en cause et de mettre en place une organisation collective antilibérale.
Nous précisons, collective, car la première arme du libéralisme est l’atomisation des organisations sociales, c’est l’individualisme à outrance qui nous laisse seules face à toutes nos faiblesses, seules face aux traumatismes et aux oppressions dont le libéralisme est coupable. Nous avons donc réfléchi et amélioré notre organisation sociale.
Comme nombreux de colibris13 ou de personnes fantasmant les écolieux, nous avons un temps eu une organisation que l’on qualifira de village. Chacun-e avait son rôle dans le collectif, des personnes étaient assignées au maraîchage, d’autres au développement culturel du lieu, d’autres encore à l’entretien des espaces… Il s’est avéré qu’en plus d’être une organisation inefficace, elle était aussi le reflet d’une volonté libérale exacerbée. Cette idéologie était finalement la volonté de pouvoir bénéficier des libertés individuelles libérales dans un contexte romantisé d’un lieu qui s’abstrait de contrainte notamment lié au travail ou à certaines obligations sociales. Nous avons alors entreprit un changement dans notre organisation. Les personnes vivant sur le lieux sont invitées à participer à toutes les tâches du lieu de quelques natures qu’elles soient. En plus de permettre à toustes de se former dans tous les arts de l’autonomie, cela nous permet de nous sortir quotidiennement de nos réflexes individuels.
Nous nous sommes également attaqué à la notion de propriété privé et à la distinction du privé et du public. Dans notre charte, il est précisé qu’il existe pour les personnes résidentes la possibilité que le collectif accorde l’usage personnel à un espace déterminé sur le lieu. Le Mallouestan tout en voulant permettre l’existence d’un intime se refuse à accepter une propriété privée d’un espace. L’espace, le territoire doit être une négociation, un exercice de liberté dans l’organisation sociale où toustes à son mot à dire et non une propriété privée érigé comme droit fondamentale laissant les plus pauvres à la rue. Les arrimées14 sur le lieu vont même jusqu’à une collectivisation (processus d’appropriation collective) de leurs ressources. Ainsi, ces derniers peuvent collectivement décider de ce qui est souhaitable de faire ou pas avec leurs ressources. Ainsi, nous sommes plus forts pour résister aux dépenses favorisant le système et nous sommes plus efficaces pour financer des investissements favorisant le collectif plutôt que des individus.
Le confort a aussi été une grande question sur le lieu. Le confort est érigé comme droit fondamental par le libéralisme culturel, hors nous avons vu que ces droits libéraux entraînent une exploitation sous-jacente. Pour cette raison, nous avons questionné certains de nos besoins mais nous avons surtout questionné les stratégies pour y répondre. En ce sens, nous nous efforçons de limiter nos actions favorisant le libéralisme. Pour en savoir plus sur notre position sur le confort, lire ce texte.
Dans les milieux militants libéraux, il est commun d’accepter les drogues et leurs usages. Dans une défense libérale, une interdiction de l’usage de ces drogues est perçue comme une atteinte aux libertés des individus. Cela sous-entend qu’on serait libre de choisir la consommation de substance reconnue comme formant une dépendance chez ses consommateurs. Si une dépendance se forme, nous ne pouvons être libres de l’usage de ces substances. En l’absence de dépendance, en consommer nous met dans une position de risque face à une dépendance. Ayant décidé collectivement de s’éloigner le plus possible d’une dépendance face à ce système injuste et destructeur, il nous semble opportun d’interdire la consommation de drogues sur le lieux. Sans compter les impacts sociaux et environnementaux des drogues 15.
On nous a rétorqué qu’interdire ces consommations serait injuste face à des populations précarisées qui habituées à ces consommations ne viendraient pas sur un lieux où ce serait interdit. C’est un argument qui nous paraît fou. Qu’on puisse considérer que parce que des personnes ont été habitués à de mauvaises conditions de vie, il faut surtout leur laisser leurs habitudes destructrices et autodestructrices pour ménager leurs habitudes et leurs petits conforts nous paraît aussi insensé que profondément triste. Nous sommes en faveur d’une solidarité qui n’a pas peur de l’inconfort, de prendre en mains des situations complexes, de faire de nos adelphes des camarades. Les situations de dépendance ne sont pas une forme de liberté. La consommation de drogue est néfaste pour les corps, les esprits, les liens sociaux et les organisations collectives. Il est important pour ces personnes en situation de dépendance de trouver des lieux où la consommation de drogue devient particulièrement difficile pour justement sortir de ces destructions. Maintenant, nous ne prétendons pas non plus pouvoir nous substituer à des médecins ou à des organisations spécialisées. Nos portes restent certainement fermées pour les cas les plus graves. Mais quoi qu’il arrive, nous ne pouvons accueillir tout le monde au Mallouestan. Le Mallouestan n’a aucune prétention à être la solution universelle et totalisante d’inclusion de toutes les formes de vies dans tous leurs états possibles. Dans ce contexte, nous ne pouvons faire autrement que favoriser la venue de certaines personnes plutôt que d’autres. Nous préférons ouvrir nos portes à celleux qui souhaitent s’abstenir de cette consommation ayant des problèmes avec la consommation de drogue ou non.
Nous avons également pu décrire au-delà de ce que l’on ne veut pas, le type de liberté et l’organisation politique que nous souhaitons. Pour en lire plus, nous vous conseillons comme prochaine lecture le texte travail et liberté et anarchocommunisme.
Conclusion
Ayant vu certaines des objections aux hypothèses théoriques soutenant l’existence du libéralisme, nous le considérons comme étant un courant de pensée simpliste qui ne mérite pas l’attention qu’on lui porte. A la suite du développement sur les côtés dévastateurs du libéralisme, nous ne pouvons considérer ce dernier, sous n’importe laquelle de ses formes, uniquement comme un système à abattre. Face à ce constat, nous nous organisons collectivement sur de nombreuses facettes pour nous extraire du libéralisme et créer de meilleures conditions matérielles. Nous souhaiterions qu’une critique du libéralisme soit faite dans les milieux militants, mais aussi dans la société en général.
Notes
1 L’anarchisme individualiste est un courant politique à l’intérieur de l’anarchie qui centre sa pensée sur les libertés individuelles, sur la primauté de l’émancipation de l’individus plutôt que celle du groupe. L’avènnement de cette pensée est souvent attribué à Max Stirner, un philosophe allemand, avec son oeuvre “L’unique et sa propriété” de 1844. Dans son ouvrage, il défend le fait que les grandes causes sont des entités abstraites et qu’en tant que tel elles asservissent les individus. Seul les individus sont concrets, seul les individus comptent.
2 Terre et Liberté. La quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance, Aurelien Berlan, La Lenteur, 2021
3 De la Liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, Benjamin Constant, Alicia Éditions, 5 octobre 2018
4 Ck? 😄
5 Ck?
6 https://fr.m.wikipedia.org/wiki/%C3%89quilibre_de_Nash
7 Chez soi : Une odyssée de l’espace domestique, Paris, La Découverte , coll. « Zones », 2015
8 L’Hégémonie culturelle, textes choisis et présentés par Jean-Yves Frétigné et Baptiste Colmant, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2024
9
- Le Frivole et le Sérieux : vers un nouveau progressisme, Albin Michel, 1978 ; réédition Éditions Delga, 2010.
- Le Capitalisme de la séduction - Critique de la social-démocratie, Éditions sociales 1981; réédition Éditions Delga, 2006.
- Critique du libéralisme libertaire : généalogie de la contre-révolution, 1986 ; réédition Éditions Delga, 2006.
- Les Dégâts de la pratique libérale libertaire ou les Métamorphoses de la société française, Nouvelles Éditions du Pavillon, 1987; réédition Éditions Delga, 2020.
10 Le slogan “Jouir sans entrave” est souvent associé à la libération sexuelle et à la contestation des normes sociales traditionnelles, pourtant il est issus du mouvement révolutionnaire des Situationnistes. Le fait que depuis 68, ce slogan est réutilisé régulièrement par des mouvements de gauche, est symptomatique de la récupération de la lutte des classes par le libéralisme ainsi que la corruption des luttes par ce mème libéralisme. Le slogan a été utilisée par exemple dans le mouvement des gillet jaunes, l’utilisant pour appuyer leurs souhait d’un pouvoir d’achat plus important ou de temps libres pour jouir de la vie. Cette utilisation est loin des revendications initiales qui préconisaient de consacrer son temps à la lutte contre le capitalisme et ses conséquences.
11 Ressources gouvernementales:
- https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-900-1-notice.html
- https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/cp_arcom_pornographie_vdef.pdf
12 ostraciser des individus, groupes ou institutions responsables d’actes, de comportements ou de propos perçus comme inadmissibles.
13 Le Mouvement Colibris, nom usuel de l’Association Colibris qui tire son nom des colibris, est une association loi de 1901 créée en 2007 en France. C’est un mouvement fondé sur l’action citoyenne, qui relie transition personnelle et transition sociétale. Il encourage chacun à « faire sa part » pour enclencher la transition écologique et sociétale.
14 Le mot arrimé.e.s désigne un statut particulier au Mallouestan. Pour en savoir plus, voir la charte : https://www.mallouestan.org/r/charte
15 J’attend le lien de LRL