Pourquoi parler de travail et de liberté?
Le travail n’est pas une notion aussi simple qu’il semblerait. Par exemple, aller chez le médecin, laver sa vaisselle, cuisiner et manger sont des tâches qui ne sont couramment pas comptées comme du travail. Pourtant, ces efforts permettent de se maintenir en vie… ce qui est plutôt nécessaire au travail salarié. Nous ne sommes pas rémunéré·es pour ces efforts, qui ne sont pas comptés dans le temps de travail, ni par celleux qui nous emploient, ni par France Travail. Dans la plupart des sociétés actuelles, s’occuper d’un·e proche malade fera l’objet d’une retenue sur salaire et n’ouvrira pas de droits supplémentaires au chômage ou à la retraite. Ces exemples nous permettent de voir que ce qui est du travail ou n’est pas du travail ne fait pas l’objet d’un consensus.
Henry Ford présente une vision du travail capitaliste ainsi : “Le principe moral fondamental est le droit qu’a l’homme à son travail. […] À mon sens, il n’est rien de plus atroce qu’une vie oisive. Personne n’y a droit. La civilisation n’a pas de place pour les oisifs”. Pourtant, certain·es considèrent Henry Ford comme une source de l’anéantissement du sens et de la valeur du travail. La vision d’Henry Ford contraste avec de nombreuses autres, par exemple avec le rejet du travail par des penseurs comme Paul Lafargue dans Le Droit à la paresse (qui détonne par ailleurs avec les propos de son beau-père Karl Marx). Effectivement, le fait de travailler est régulièrement remis en question, et parfois rejeté. Par exemple, le farniente est un mouvement social libéral exemplaire de ce rejet du travail. Plus exactement, c’est un rejet de tout effort, associé à la valorisation du fait de ne rien (-niente) faire (far-). Ses adeptes peuvent chercher à n’être absolument pas productif·ves1 1. Voir documentaire Arte https://www.youtube.com/watch?v=8AaUeUrO1Bc
: pour elleux, cela signifie rester immobiles, sans se distraire ni s’adonner à aucun loisir. Iels considèrent cette absence d’action comme révolutionnaire, car ce serait la négation logique de l’hyperproductivité capitaliste. Cette dernière idée est souvent reprise par des groupes cherchant à formuler une critique radicale du capitalisme au-delà du marxisme traditionnel comme le groupe Krisis2 2. Voir https://www.krisis.org/ notamment https://www.krisis.org/1999/manifeste-contre-le-travail/
À côté de ce projet, l’idéal progressiste d’un futur sans travail place dans le développement scientifique et industriel — notamment informatique et robotique — un espoir collectif d’une vie sans travail et sans contraintes. On dispose de nombreuses images et récits pour illustrer cet idéal, car les innovations des technologies de l’information et de la communication ont suscité une importante production culturelle, notamment des romans de science-fiction ou d’anticipation. Le Deuxième Âge de la machine : Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique, d’Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee (2015), présente la réussite du projet progressiste d’un point de vue plutôt enthousiaste, ainsi que des visions technosolutionnistes comme dans La vie 3.0 — Être humain à l’ère de l’intelligence artificielle de Max Tegmark (2024). Isaac Asimov (1954), dans son roman Face aux feux du soleil, présente les innovations techniques et la mécanisation d’une manière plus critique que les deux ouvrages précédents.
Marx, quand à lui, voyait le travail comme corrompu par la propriété privée. Il met en avant l’importance de revaloriser le travail, de lui redonner du sens. Les analyses de Simone Weil3 3. Voir _La Condition ouvrière_ (1951) de Simone Weil
après ses expériences à Renault et Alsthom, placent le travail au centre de son rapport au monde, appelant à une revalorisation spirituelle du travail : « les autres activités humaines, commandement des hommes, élaboration de plans techniques, art, science, philosophie, et ainsi de suite, sont toutes inférieures au travail physique en signification spirituelle ». David Graeber, de son côté, aborde ce sujet avec humour dans son livre de 2018 Bullshit Jobs, où il avance que le fonctionnement de notre société dépend du fait que la majorité des travailleuse·eurs de bureau se voient assigner des tâches vides de sens, socialement stériles, mais conservées pour entretenir artificiellement le plein emploi.
Ainsi, on voit que le travail n’est pas universellement valorisé ni appréhendé de la même manière. Les exemples ci-dessous permettent d’apercevoir la diversité des visions politiques, des alternatives et des futurs considéré·es comme envisageables et enviables. Mais ces divers idéaux présentent un point commun : le sujet du travail est clairement central. C’est également le cas pour les alternatives présentes, qui cherchent à s’abstraire du rapport systémique au travail. Notamment pour ces raisons, il nous semble que ce sujet est essentiel à aborder. Nous avons choisi de le lier à la question de la liberté, car les différentes approches du travail, comme nous allons le voir, sont intriquées avec cette notion : des libertés à l’égard du travail ; au travail ; suite au travail ; dans l’organisation du travail et ce qu’elle permet.
Par ailleurs, travail et liberté sont des notions régulièrement associées par le capitalisme et par divers·es penseuse·eurs. Par exemple, Simone de Beauvoir, dans son livre phare Le deuxième sexe, explicite directement le rapport entre ces notions : « C’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète ». Jean de La Bruyère les associe également dans une célèbre phrase : « La liberté n’est pas oisiveté ; c’est un usage libre du temps, c’est le choix du travail et de l’exercice : être libre en un mot n’est pas ne rien faire, c’est être seul arbitre de ce qu’on fait ou de ce qu’on ne fait point ; quel bien en ce sens que la liberté ! ». L’idée que le travail n’est pas à fuir, mais que c’est plutôt un prérequis à la liberté, est promue par des capitalistes. Nous pouvons citer comme exemples le discours de 2014 de Barack Obama « Le travail donne un sens à notre vie. Il nous donne un but. Il nous donne la liberté de faire des choix. » ; Hayek qui écrit également que « La liberté individuelle ne peut exister sans une économie de marché. » 4 4. Voir "La Route de la servitude" (1944) de Hayek
ou Milton Friedman qui énonce que « Le capitalisme concurrentiel est un dispositif pour atteindre la liberté économique et une condition nécessaire à la liberté politique. »5 5. Voir "Capitalism and Freedom" (1962) de Milton Friedman
Friedman soutient que le libre marché permet aux individus de choisir leur travail, de créer des entreprises, et donc d’exercer leur autonomie. Pour lui, la liberté économique est le socle de toutes les autres libertés.
Dans un cadre capitaliste, travailler n’est pas immédiatement utile à la subsistance d’un·e travailleuse·eurs. Travailler est plutôt une condition pour obtenir un salaire. C’est ce salaire qui est souvent considéré comme le moyen d’être plus libre, c’est-à-dire d’acheter et de consommer ce que l’on souhaite. Le travail rendrait alors libre, mais indirectement et dans un second temps : c’est-à-dire qu’on n’est pas libre lorsqu’on travaille, mais à condition que ce travail permette de gagner suffisamment (beaucoup) d’argent, ou d’en économiser. Par exemple, le fait de travailler dans son potager pour dépenser son argent dans des vacances, et non dans des fruits et légumes. Dans cette conception, ce qui rend libre, c’est le fait de « pouvoir faire ce que l’on veut » avec cet argent, de pouvoir le dépenser comme on l’entend. Le salaire permettrait d’user de son temps libre comme on le souhaite. Être libre signifie alors avoir des loisirs, partir en vacances, regarder la télé qu’on a pu s’acheter, etc. Cette liberté est une forme de rétribution promise par le salariat.
Dans un cadre capitaliste, travailler - par exemple, à l’usine - peut être envisagé comme une manière de contribuer à un effort de production ou d’aider les autres - comme dans le milieu médical et social. Mais les conditions de travail sont souvent perçues comme (de plus en plus) pénibles, et rarement comme une manière d’être libre. Alors, une autre manière négative d’envisager la relation entre travail et liberté est la suivante : puisque le travail est un effort, et que certaines tâches sont très pénibles, le fait de déléguer l’effort est considéré comme une façon d’être plus libre. On s’abstrait de certaines contraintes pour faire des tâches considérées comme plus dignes et propres, intéressantes et valorisantes… Des valeurs assez présentes dans nos sociétés reflètent également l’intrication entre travail et liberté, comme, par exemple, l’idée de mérite. La méritocratie permet que le travail octroie des droits, justifiés par cet effort que nous aurions chacun·e réussi à faire. Le slogan de la campagne de Nicolas Sarkozy, « travailler plus pour gagner plus » est également un exemple de ce phénomène, repris par Emmanuel Macron sous la forme « travailler plus pour gagner davantage ». Ces politiciens appellent à dépasser la semaine des 35 heures, justifiant que çela permettrait de gagner plus, sous-entendu de pouvoir dépenser plus, et d’être par conséquent plus libre. Cette vision contraste peu, à l’égard de cet association, avec la revendication principale d’augmentation du pouvoir d’achat du « Convoi de la Liberté française » 6 6. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Convoi_de_la_libert%C3%A9#En_France
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Le capitalisme étant liberticide, le travail dans ce cadre capitaliste peut l’être tout autant. Dans plusieurs des textes que nous avons rédigés, nous avons montré que le capitalisme est un système de production liberticide 7 7. Voir notamment nos textes Anarcho-communisme, Sur la culture, Anti-libéralisme
. Il repose sur l’exploitation, la domination et la destruction. Le salaire obtenu permet en réalité de consommer comme les autres, et d’entrer en conformité avec les attentes sociales (prêt immobilier, se marier, enfants, etc). On a également montré, dans le texte anti-tech, le caractère liberticide du capitalisme et de la civilisation thermo-industrielle. Cette dernière repose sur l’extraction, l’exploitation et la destruction des ressources naturelles et du vivant, et donc sur la souffrance et la mort. Par exemple, la colonisation, pour enrichir et étendre la civilisation occidentale, a créé de la vulnérabilité et la destruction des populations colonisées. Le monde vivant des terres colonisées est de plus en plus exploité, ce qui fragilise et oblige à accepter des emplois précaires (chantiers, mines) et parfois à migrer pour chercher de meilleurs conditions de vie. La création de dépendances asymétriques est encouragée par cette situation, où des entreprises en profitent pour « délocaliser » certaines activités, en sous-traitant une partie de leur production. Ainsi, le capitalisme provoque de l’hétéronomie en obligeant à travailler dans des conditions dégradées, dans un environnement naturel détruit, artificialisé, bétonné, minné. C’est pourquoi le salariat est parfois décrit comme un système d’esclavage, moins visiblement violent car nous n’avons pas appris à le considérer comme tel.
Dans Disability and the Sociological Imagination (2021), Allison C. Carey et Cheryl Najarian Souza montrent que le monde du travail ne reflète pas simplement une réalité biologique du handicap et de l’(in)validité : il fabrique cette invalidité. Au-delà des accidents du travail ou de problèmes corporels (physiques et psychiques), l’invalidité et le handicap sont aussi des résultats de la manière dont le travail est organisé. En effet, le capitalisme fonctionne par l’extraction et la rentabilisation au maximum de la force de travail, dans la limite de ce qui est possible et toléré dans une société donnée. Or, les corps (corps est utilisé ici pour regrouper physiques et psychiques, et pour souligner le traitement gestionnaire) jeunes, non malades, énergiques, sont perçus comme particulièrement susceptibles de fournir une performance, une productivité, et une disponibilité relativement constantes. Ils sont usés et poussés jusqu’à l’épuisement ou la maladie, tant qu’ils sont valides. Tant qu’un grand nombre de ces corps valides est mis à disposition sur le marché mondial du travail, les corps invalides ne sont intégrés qu’à la marge. Les personnes malades, « folles », handicapées, furent historiquement massivement enfermées. Quand beaucoup le restent aujourd’hui - notamment les vieilleux - certain·es sont sorties de cette mise à l’écart pour rentabiliser leur existence via leur « inclusion » sur le marché du travail, mais toujours de manière marginale. Ce nouveau modèle de l’inclusion comporte des postes en institutions spécialisées comme les ESAT8 8. Anciennement CAT. SUr les ESAT, voir Thibault Petit (2022) "Handicap à vendre"
Sauf que les salarié·es n’y sont pas considéré·es comme des travaileuse·eurs, mais comme des « bénéficiaires » d’un établissement médico-social. Ainsi, par exemple, iels n’ont pas le droit de se syndiquer ni de grève, et leurs salaires varient entre 50 et 90% du SMIC. Le travail productiviste à la chaîne, où chacun·e doit être rentable et remplaçable, exclue de fait l’anormalité. Les normes du travail la rendent inaccessible à certaines personnes, qui se retrouvent dans diverses situations de handicap 9 9. Voir Thibault Petit (2022) Handicap à vendre
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C’est donc notamment pour ces raisons que nous tenons à parler de ces notions, ainsi qu’à trouver un cadre sain et fonctionnel pour composer avec. Au dela du Mallouestan, il est important de considerer ces sujets comme essentiels pour bâtir des alternatives viables et souhaitables. Ces sujets sont au cœur des questions écologistes, féministes, anti-validistes, et plus généralement des rapports de domination.
Comment définir le travail?
Il ne suffit pas de fournir un effort pour que l’on puisse désigner cet effort comme du travail. Pour qu’un effort, une activité, une tâche deviennent du travail, il faut que l’effort soit reconnu collectivement comme du travail. Pour le dire autrement, rien n’est en soi du travail. De plus, une personne ne peut pas décider seule qu’une activité est du travail ou non – à moins d’être en position de commander aux autres. Enfin, une tâche qui est considérée comme utile peut alors être vue comme du travail dans une société ou une culture donnée, alors que d’autres n’y verraient pas d’intérêt, et décideraient que cette tâche est un simple effort assez inutile. Lorsqu’on considère le travail de cette manière, on peut voir l’importance de la question du travail de reproduction, qui désigne l’ensemble des processus qui contribuent à maintenir les êtres humain·es en vie. Le même effort n’est pas toujours reconnu comme du travail. Ainsi, on peut être rémunéré·e pour faire le ménage chez les autres, mais pas chez soi. Certains mouvements sociaux ont émergé pour essayer de faire reconnaître certaines activités comme du travail, comme The International Wages for Housework Campaign (IWFHC)10 10. https://en.wikipedia.org/wiki/Wages_for_Housework
. Leur but est de dénaturaliser [rendre moins naturel ou normal] les tâches domestiques de reproduction, effectuées majoritairement par les femmes dans le cadre des mariages hétérosexuels, en y apposant un salaire qui serait versé par le conjoint. Le Sénat français a aussi récemment proposé une loi dans ce sens, qui cible les divorces 11 11. https://www.senat.fr/leg/ppl24-127.html dont parle cet article (https://www.maison-travaux.fr/actualites/remuneration-travail-domestique-taches-menageres-inegalites-584467.html)
. Le salaire est aussi la manière privilégiée par la communauté de Boimondau pour reconnaître le travail des épouses des ouvriers12 12. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Boimondau. C'est aussi décrit comme une manière de les réassigner à la sphère domestique et à un rôle d'épouses, d'une manière d'autant plus difficile pour elles à contester qu'elles reçoivent un salaire pour des tâches qui restent, malgré cela, dévalorisées relativement aux tâches dites "de production".
Nous avons définit le travail ainsi :
Le travail est l'effort qu'une communauté considère, démocratiquement ou non, comme utile et pertinent, ainsi que tous les prérequis logistiques nécessaires à cet effort.
Cette définition permet d’apporter plusieurs nuances. Elle inclut le fait que le travail est contextuel, et que ce qui est considéré comme du travail dans un contexte peut ne pas l’être dans un autre contexte. En fonction des conditions matérielles, de l’organisation sociale ou plus généralement de la culture, deux communautés ne reconnaîtront pas les mêmes efforts comme du travail. Cette définition inclut également le fait que rares sont les efforts qui peuvent exister sans que d’autres efforts les aient précédés. Ainsi, la définition exige qu’on reconnaisse toute la chaîne comme du travail, plutôt que d’en percevoir seulement le dernier maillon. La communauté peut décider quels prérequis sont nécessaires à un effort, et lesquels ne le sont pas.
Prenons un exemple : imaginons une communauté qui définit l’effort en maraîchage comme nécessaire. En effet, dans cette communauté, la source de subsistance alimentaire est bel et bien cet effort fourni en maraîchage. Cela veut dire qu’elle souhaite reconnaître cet effort comme du travail. D’après la définition, ces deux phrases sont équivalentes. Cette communauté doit aussi considérer les efforts nécessaires pour que l’activité de maraîchage ait lieu. Cela peut être la fabrication des outils, l’effort permettant l’irrigation, et ce seront très probablement de nombreux efforts de soin et d’organisation sociale comme la cuisine, la vaisselle ou la fabrication des maisons. Ces efforts doivent également être reconnus comme du travail, à moins que la communauté ne trouve une autre stratégie permettant de faire l’activité de maraîchage. La communauté doit également décider comment reconnaître ce travail. Elle peut procéder de différentes manières : cela peut être au travers d’un salaire, d’une approche autoritaire où un petit groupe de personnes décide pour la communauté, ou bien de manière simplement déclarative, sans contrepartie matérielle pour l’effort en question, mais en reconnaissant que tel ou tel effort est bien du travail. Dans notre cas, imaginons que cette communauté ait choisi de se retrouver régulièrement pour décider de ce qui est du travail en fonction de ses priorités, de ses conditions matérielles, ou plus généralement de ses contraintes. Une fois définie la liste des efforts se qualifiant en tant que travail définie, cette liste peut être notée et affichée publiquement.
Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas différents types de travail, ou que le travail ne peut pas être quelque chose de subi. Au contraire, dans la société capitaliste, où le travail est reconnu souvent au travers du salaire, soit des trimestres cotisés à la retraite, par exemple en France, nous sommes bien dans un rapport autoritaire. Effectivement, à l’échelle locale ou même nationale, ce qui est considéré comme du travail n’est pas choisi démocratiquement. Il y a évidemment l’esclavage, qui est tout à fait compatible avec notre définition mais qui, pour autant, n’est pas souhaitable. André Gorz distinguait 13 13. Voir "Métamorphoses du travail" (2004) de André Gorz
les activités autonomes (choisies, créatives, épanouissantes) du travail hétéronome (imposé, répétitif, aliénant). Il estimait que la société devait faire évoluer son système de valeurs en faveur des premières. Dans notre cas, nous faisons cette distinction entre travail autonome et travail hétéronome. Effectivement, la définition ci-dessus ne cherche pas à exclure les configurations où le travail ainsi que les rapports le sous-tendant ne sont pas souhaitables, mais à fournir une base solide pour les différentes analyses et réflexions nécessitant le travail.
Différentes approches de la liberté ?
La liberté telle que nous l’envisageons aujourd’hui, et qui nous semble évidente, est une conception assez récente. Cette vision de la liberté est souvent appelée la liberté des modernes, ainsi nommée par le penseur libéral Benjamin Constant. Constant oppose la liberté des modernes à celle qu’il nomme la liberté des Anciens. Dans la vision dite « des modernes », la liberté réside dans le fait de pouvoir « faire ce que l’on veut ». C’est donc une liberté nécessairement individuelle : ce que veulent les autres, leurs besoins et leurs demandes, paraît contraire au pouvoir d’agir individuel. L’expression selon laquelle « la liberté se termine là où commence celle d’autrui » est individuelle et négative. La société et la vie en collectif sont perçues comme des cadres contraignants, par leurs règles et par leurs normes : la présence des autres empiète sur la liberté individuelle.
Les modernes cherchent à diminuer le poids des règles sociales, car, selon eux, elles pèsent négativement sur les échanges sociaux. Réduire au minimum le nombre des obligations individuelles permettrait à une société de mieux fonctionner, par exemple en diminuant les impôts pour que le don soit un « choix » rationnel, ou en favorisant la concurrence pour faire émerger les meilleurs produits à consommer, sans imposer un modèle a priori. De la même façon, les individus seraient plus « libres » si personne ne leur prescrivait une manière d’être à l’intérieur de leur logement privé individuel, car dans cet espace, chacun mène sa vie selon ses désirs. Recevoir un salaire et le dépenser selon sa propre volonté constitue une part importante de la liberté des modernes : la monnaie permet d’abstraire les dépendances sociales et d’éviter d’avoir à entretenir de bonnes relations avec un·e commerçant·e, par exemple, puisqu’on peut facilement aller voir la concurrence. Le fait de déléguer le travail, dans la vision des modernes, nous permettrait d’augmenter notre liberté.
Ainsi, la liberté implique d’étendre son pouvoir d’agir pour surmonter les obstacles matériels et naturels qui empiètent également sur notre vie. Ce pouvoir, dans la vision moderne, est rendu possible grâce à la technique. C’est grâce à cette dernière que l’on surmonte les contraintes propres à notre existence : manger, dormir, se protéger des catastrophes naturelles et des maladies. C’est au travers de cette stratégie et de la technique que l’individu·e pourra être délivré·e d’un maximum de contraintes, lui garantissant une liberté d’agir et la possibilité de bâtir un cadre privé où iel peut espérer répondre à tous ses désirs. C’est notamment cette vision bourgeoise que Marx adopte, malgré son rejet par ailleurs du libéralisme, lorsqu’il appelle à dépasser ce qu’il nomme le « règne de la nécessité » par « le règne de la liberté14 14. Voir Terre et Liberté d’Aurélien Berlan
». Cette vision de la liberté est au cœur de la civilisation thermo-industrielle, qu’elle soit capitaliste ou communiste, et elle résonne avec l’idée chrétienne de l’homme condamné à travailler pour subvenir à ses besoins suite à la transgression d’Ève : désormais, « c’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain ».
Benjamin Constant situe la vision dite « des Anciens » cette pensée dans la Grèce Antique, tout en appelant au changement social et à la modernisation : on peut penser qu’elle était toujours dominante à son époque, et qu’elle est en réalité encore la base d’une solidarité sociale efficacement protectrice à petite échelle. En effet, cette conception de la liberté est liée à l’idée de vivre ensemble, de prendre soin les un·es des autres, de partager des valeurs communes et de construire une communauté. La liberté « des Anciens » est donc collective, et positive en ce qu’elle est co-dépendante à celle d’autrui. Ainsi, la vision de la liberté qui précède celle « des modernes » valorisait l’appartenance à une communauté, à une famille ou à d’autres groupes. C’était une vision dans laquelle on est libre uniquement si l’on appartient à un groupe qui peut nous défendre et, de fait, défendre nos droits. Elle valorisait une approche démocratique directe de la gestion politique de ce groupe. Enfin, elle mettait en avant la notion d’autonomie collective, que nous aborderons à la fin de ce texte. C’est cette vision-là de la liberté que nous souhaitons mettre en avant ici, qui est cohérente avec notre perspective anarcho-communiste (voir notre texte « Anarcho-communisme »), notre matérialisme (voir notre texte « Méta-physique ») et notre antilibéralisme (voir notre texte « Anti-libéralisme »).
Le travail et la validité
Dans un monde structuré par l’emploi, où le fait de se lever tôt, d’être autonome sur le plan des soins, de savoir communiquer et gérer le stress sont des attentes banalisées, la notion de validité ou de handicap est façonnée par ce rapport au travail, à un corps (physique et psychique) productif. La norme qui définit quelles spécificités individuelles sont jugées acceptables — ou du moins accommodables — dépend principalement des conditions de travail auxquelles il est attendu de se conformer. L’assistanat est souvent critiqué : alors, comment ne pas se sentir visé lorsqu’on n’a pas la « chance » de faire partie de cette classe de personnes capables d’être productives ? Il est plus facile de se voir comme un centre de coût, où les soins et accommodations nécessaires au quotidien sont perçu·es comme un poids, plutôt que comme une solidarité souhaitable et non conditionnée.
Dans un collectif, il semble très arbitraire de distinguer les personnes « valides » des autres, notamment en fonction du coût potentiel que leurs spécificités supposeraient. Chacun·e — diagnostiqué·e ou non, reconnu·e comme tel·le ou non — nécessite des adaptations de la part du collectif. Personne n’est totalement valide, personne n’est exempt·e de spécificités qui ne demanderaient aucun effort du groupe. Autrement dit, tout le monde impacte le collectif à travers ses fonctionnements et ses difficultés propres. La validité apparaît alors comme une catégorie peu pertinente pour penser le travail dans un groupe. Bien sûr, les spécificités de chacun·e peuvent influencer la capacité à effectuer une tâche précise, mais comme nous l’avons vu plus tôt, cela ne suffit pas à conclure qu’une personne ne peut pas participer au travail.
En revanche, la notion d’autonomie semble plus intéressante pour penser l’organisation collective. Nous la définissons comme suit :
L’autonomie d’une personne dépend de sa capacité, dans un contexte donné, à contribuer positivement à l’effort — dont le travail — nécessaire au bon fonctionnement du collectif dans lequel elle s’inscrit.
Par « positivement », nous entendons que la charge qu’une personne représente pour le collectif est compensée par ses apports au travail. Par exemple, il peut être souhaitable qu’une personne autiste bénéficie d’aménagements et d’accommodations, impliquant un effort du collectif. Mais si cette personne, en retour, contribue à l’effort commun et réduit la quantité de travail à fournir pour le groupe, elle peut être considérée comme non valide ou en situation de handicap, mais demeure néanmoins autonome dans ce contexte. Cela ne signifie pas que tout le monde doit être autonome. La notion d’autonomie ne permet pas de mesurer la valeur sociale d’une personne, elle sert simplement de critère d’organisation collective.
En effet, tout groupe a besoin d’un certain niveau d’effort pour bien fonctionner. Il faut donc suffisamment de personnes autonomes. Mais cette liberté collective, telle que définie plus haut, n’a pour nous de sens que si les personnes non autonomes sont prises en charge. Cette prise en charge, contrairement à ce que le capitalisme insinue, ne devrait pas être considérée comme un fardeau ni comme un effort à éviter 15 15. Voir Roger Monjo (2013). « L'autonomie, de l'indépendance vers l'interdépendance ». "Le Sociographe" , 2013/5 Hors-série 6, p.173-192.
. D’autant plus que personne n’est immunisé·e face aux accidents ou imprévus de la vie. Tout le monde peut se retrouver en situation de non-autonomie. L’effort fourni au collectif devient ainsi plus sensé s’il s’inscrit dans une solidarité à laquelle nous-mêmes pourrions un jour avoir recours. Pour illustrer cette idée, le vieillissement et la perte de capacités qui l’accompagne peuvent impacter un collectif. Des maladies comme Alzheimer, par exemple, peuvent rendre une personne non autonome. Il nous paraît souhaitable que cette personne soit prise en charge, soignée et incluse autant que possible dans la communauté — ce qui contraste avec une personne temporairement non autonome suite à une fracture.
On remarque ainsi l’intrication entre les notions de validité et de travail. Il est nécessaire de dépasser l’idée d’une non-validité considérée comme incapacitante, et de s’organiser plutôt autour du critère d’autonomie. Il faut également dépasser la perception de la prise en charge des personnes non autonomes comme un fardeau, pour la considérer comme une responsabilité inscrite dans un contexte de solidarité et de vivre-ensemble. L’organisation du travail doit intégrer ces rapports de soin, ainsi que les prérequis et les conséquences qu’ils impliquent, tout en reconnaissant la responsabilité collective de leur gestion 16 16. Voir Gaia Barbieri et Georges Gaillard (2025). « Les leurres de l’autonomie, la responsabilité collective et l’émergence d’une instance en partage ». "Connexions" , 2025/1 n° 122, p.87-100.
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Le travail en communauté
Le travail est aussi intimement lié à la question de la délégation de l’effort. Comme nous l’avons vu, pour répondre à nos besoins de subsistance, autrement dit pour rester en vie et si possible pour s’y épanouir, il faut qu’une certaine quantité d’effort soit fournie. Cet effort peut être fourni par soi-même, ou par autrui. Dans ce deuxième cas, nous déléguons cet effort. L’exemple de l’esclavage est un exemple particulièrement oppressif de cette délégation d’efforts. Il y a plusieurs façons de procéder et d’organiser cette délégation d’efforts. Le capitalisme, qui conditionne la liberté dans la capacité à s’abstraire de cet effort, choisit donc d’encourager la délégation, le capital financier étant un prérequis. Par exemple, le cas d’un personnel d’entretien embauché pour faire le ménage à son domicile est vu comme une abstraction de la contrainte de le faire soi-même, et donc d’être plus libre. D’autres façons sont expérimentées, comme par exemple à Twin Oaks, une communauté aux États-Unis qui incite tous les membres à contribuer à cet effort nécessaire au bon fonctionnement de cette communauté17 17. Voir "Un désir d'égalité" (2019) de Michel Lallemand, chapitres 10 et 11
. La manière dont cette délégation se déroule et comment elle est valorisée devient donc une question centrale dans la manière dont on organise et dont on valorise le travail.
Pour reprendre les exemples cités dans l’introduction, celui du farniente illustre une certaine déconnexion de cette réalité, car une vie cherchant à s’abstraire du travail et de l’effort est une vie qui repose sur le fait de déléguer. Et dans le système capitaliste actuel, cette délégation n’est pas sans coût éthique. Dans le cas de l’idéal technophile d’un futur où l’humain·e se sera affranchi·e de la nécessité de produire cet effort, c’est à la technologie et aux machines que l’on délègue. Ces délégations s’accompagnent également d’une augmentation de la dépendance à l’égard des personnes à qui l’on délègue, et cette dépendance s’accompagne bien souvent de contre-pouvoirs artificiels et arbitraires permettant de se protéger de la vulnérabilité qu’implique cette dépendance.
Avant de poursuivre sur les liens entre liberté et délégation, revenons sur le cas de la délégation aux technologies. Aujourd’hui, la délégation aux technologies est plus pernicieuse que ce que valorise la promesse technophile. Effectivement, nous déléguons à des machines qui, contrairement à cette vision futuriste, dépendent à leur tour d’êtres humain·es. La fabrication de ces machines, leur entretien, leur conception ou l’extraction des minerais nécessaires à leur construction sont majoritairement assumés aujourd’hui par des humain·es. Dans les pays dits riches, cette cascade de dépendance entre machines et humain·es nous amène assez rapidement hors des frontières françaises, dans un contexte néocolonial et oppressif. Le capitalisme n’est pas conçu pour s’affranchir un jour de cette exploitation. Il n’est pas possible, dans un système capitaliste, qu’un jour les minerais soient extraits par des machines qui se répareraient elles-mêmes, dans un monde technologique parfaitement autonome de l’effort humain.
C’est là une des problématiques de cette délégation aux technologies : la rentabilité même de ces technologies est intimement liée à l’exploitation humaine. Par exemple, pour la Grande-Bretagne au moment de l’explosion du marché des textiles, l’industrialisation a été rentable notamment grâce au coton fourni quasi gratuitement via l’esclavage de l’autre côté de l’Atlantique. Aujourd’hui, la délégation à sa machine à laver a une nature similaire. Il serait difficile d’imaginer qu’une machine à laver serait aussi intéressante économiquement si les chaînes de production étaient écologiques, si les personnes extrayant les minerais étaient des adultes correctement formés, si toutes les usines respectaient les normes pour éviter les accidents de travail, et si tout le monde sur cette chaîne logistique était payé avec un salaire décent. La rentabilité des technologies modernes n’a pas échappé à cette logique des métiers à tisser britanniques. La rentabilité et la pertinence de déléguer à des machines dépendent notamment de formes d’esclavagisme moderne et de destruction écologique.
Cette destruction écologique peut également être analysée sous le prisme de la délégation. En effet, cette nécessité de minerais et de matières premières, ou tout simplement du pétrole que nous utilisons, est aussi une délégation d’énergie à l’égard de la planète. Cette énergie s’est accumulée et s’est transformée pendant des milliers d’années au travers des différents processus terrestres. Notre système technologique dépend donc aussi d’une délégation à la planète que nous habitons. C’est peut-être cliché de citer Antoine Lavoisier, surtout sa phrase culte « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », mais la réalité qu’il décrit est essentielle pour comprendre les limites de la logique moderne de la délégation d’efforts. Cet effort ne peut pas venir de nulle part. Il faut donc réfléchir, en incluant toutes les problématiques sociales évoquées ci-dessus, à un écosystème où cet effort est produit de manière durable.18 18. Voir "La subsistance, une perspective écoféministe", 2022 [1997], de Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen
Revenons sur la dépendance évoquée plus haut. Aujourd’hui, la majorité d’entre nous, tout au moins à travers ce que nous déléguons, est assez dépendante du système. Nous sommes suffisamment dépendant·es pour être affecté·es par des crises à l’échelle internationale, qui ont très peu de rapport avec les réalités locales. La banque centrale peut faire des choix douteux, et quand cela mène à une crise financière, ce sont souvent les citoyen·nes les plus pauvres qui sont le plus touché·es. Cela est vrai pour les pénuries alimentaires, de médicaments, de soignant·es et de nombreux éléments essentiels à notre subsistance. La majorité de nos outils, de notre literie, de nos ustensiles de cuisine sont intriqué·es dans des chaînes de dépendance mondialisées. La majorité d’entre nous délègue même le fait de mélanger de l’eau et de la farine au supermarché. Et même pour les plus aventureux·ses et hippies d’entre nous, nous sommes peu nombreux à pouvoir nous passer de la levure boulangère achetée en magasin. Il n’y a ici nulle prétention à juger, mais à mettre en avant que de simples actions peu coûteuses en temps sont déléguées. Et ce n’est pas non plus pour minimiser le talent artisanal des boulangèr·es. Cette dépendance ne semble pas compatible avec la vision de la liberté qu’Aurélien Berlan met en avant dans ses travaux. Nous sommes bien loin d’une personne libre car pouvant compter sur la communauté dans laquelle elle s’inscrit. Au contraire, cette dépendance créer une communauté sur laquelle, a l’exception des crises qui ne devraient pas être les nôtres, nous ne pouvons pas compter.
Il nous semble donc que cette délégation d’efforts doit être au minimum locale. Une communauté doit rechercher une certaine autonomie à l’égard de l’effort nécessaire à son fonctionnement. Cette notion d’autonomie collective est dans la continuité de la définition déjà donnée dans ce texte, mais appliquée à l’individu. Un collectif est autonome à la mesure de sa capacité à répondre lui-même à l’effort nécessaire à son fonctionnement et à sa pérennité. Autrement dit, un collectif est autonome s’il est capable de créer et de soutenir le travail nécessaire à son fonctionnement. Paraphrasons une dernière fois pour lier avec la notion de liberté : une communauté est autonome si ses membres sont libres à l’égard du travail. Cette liberté implique qu’une communauté doit être maîtresse, tout au moins autant que possible, de l’organisation et de l’effort dont elle dépend. Elle doit donc chercher en interne à réduire la dépendance à la spécialisation de fait, à la dépendance à des membres restreint·es de la communauté. Par exemple, il est important qu’autant de personnes que possible sachent faire du pain, même si certain·es ont plus d’affinités ou de talents. Cela permet, dans le cas où ces dernièr·s ne seraient plus en mesure de produire ce pain, que d’autres puissent le faire. Grâce à cette fluidité et flexibilité, ainsi qu’à l’autonomie dans l’organisation du travail, une communauté peut augmenter la liberté de ses membres. En effet, au travers d’un tel fonctionnement, ses membres peuvent compter sur la communauté et donc, notamment d’après les définitions vues précédemment, être plus libres.
Conclusion
Nous avons vu dans ce texte à quel point le travail est central dans l’organisation sociale et la création d’alternatives, qu’elles soient concrètes, comme des communautés intentionnelles, ou fictives, dans l’optique de réfléchir à des idéaux. Le travail est indissociable de la liberté. Ainsi, les deux doivent s’articuler politiquement pour créer un tout cohérent et conforme à nos attentes éthiques. Dans la société productiviste, extractiviste et patriarcale moderne, la délégation d’efforts est oppressive et insoutenable. L’organisation sociale actuelle du travail crée des conditions aussi toxiques que les rapports sociaux que cette organisation implique. Contrairement au fétichisme anthropocentrique d’un monde abstrait des contraintes de subsistance — ce que Marx appelait le règne de la nécessité — nous avons vu qu’il est essentiel de voir le travail comme souhaitable et comme un vecteur d’émancipation à l’égard de nos ennemis politiques actuels. Nous avons donc, dans cette optique, appelé à prendre conscience que le travail est une question collective et n’a de sens que s’il est abordé de la sorte.
Nous avons explicité et étayé l’importance d’une liberté collective basée sur l’idée du vivre-ensemble et de l’entraide, et nous appelons à créer des communautés où l’on est libre parce que l’on peut compter les un·es sur les autres. Nous pouvons compter sur les autres même dans les moments de difficulté, lorsque nous-mêmes ne serions pas aptes à participer à l’effort collectif — du moins, pas aussi aptes. Nous avons donc esquissé le besoin d’organiser le travail et la communauté en faisant abstraction de la notion de validité, et en privilégiant celle d’autonomie, sans pour autant hierarchiser différents niveaux d’autonomie. Nous nous sommes attardé·es - dans une moindre mesure - sur la liberté dans ce texte, pour différentes raisons, mais notament du fait que nous détaillons notre objectif à cet égard dans un texte centré sur l’objectif de vivre ensemble et de vie en collectif. Intitulé « Libres ensemble, vivre ensemble », nous y expliquons comment la vie en communauté est une condition nécessaire à une liberté solidaire et durable. Enfin, dans cette vision de la liberté, nous avons mis en avant l’importance de la délégation d’efforts, qui doit être pensée collectivement et localement.
Notes
- Voir documentaire Arte https://www.youtube.com/watch?v=8AaUeUrO1Bc
- Voir https://www.krisis.org/ notamment https://www.krisis.org/1999/manifeste-contre-le-travail/
- Voir La Condition ouvrière (1951) de Simone Weil
- Voir La Route de la servitude (1944) de Hayek
- Voir Capitalism and Freedom (1962) de Milton Friedman
- Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Convoi_de_la_libert%C3%A9#En_France
- Voir notamment nos textes Anarcho-communisme, Sur la culture, Anti-libéralisme
- Anciennement CAT. Sur les ESAT, voir Thibault Petit (2022) Handicap à vendre.
- Voir Thibault Petit (2022) Handicap à vendre
- https://en.wikipedia.org/wiki/Wages_for_Housework
- https://www.senat.fr/leg/ppl24-127.html
- Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Boimondau
- Voir Métamorphoses du travail (2004) de André Gorz
- Voir Terre et Liberté : La quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance (2021) d’Aurélien Berlan
- Voir Roger Monjo (2013). « L’autonomie, de l’indépendance vers l’interdépendance ». Le Sociographe, 2013/5 Hors-série 6, p.173-192.
- Voir Gaia Barbieri et Georges Gaillard (2025). « Les leurres de l’autonomie, la responsabilité collective et l’émergence d’une instance en partage ». Connexions, 2025/1 n° 122, p.87-100.
- Voir Un désir d’égalité (2019) de Michel Lallemand, chapitres 10 et 11
- Voir La subsistance, une perspective écoféministe, 2022 [1997], de Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen