Vie culturelle

Vie culturelle

Pourquoi écrire ce texte ?

Dans un contexte de quête d’autonomie et d’émancipation collective, la vie culturelle nous semble être un pilier important. Par ce texte, nous souhaitons donc expliciter ce que nous entendons par vie culturelle ainsi que ses enjeux. Il sera donc nécessaire, dans un premier temps, d’identifier les dérives et problèmes de la culture dominante et, ainsi, expliquer la nécessité de s’en distancer.Pour nous, ce texte est un moyen de mettre en lumièrele besoin de développer une culture indépendante dans un projet de vie collective et alternative.

Qu’est-ce qui ne va pas dans la culture moderne/dominante ?

Aujourd’hui,bien que le milieu culturel crie au manque de moyens et au mépris de la culture, cette dernière semble présente partout dans notre société. Que ce soit dans les lieux pubics, les commerces, les transports publics, ou bien les smartphones ou la télévision, les contenus audios et visuels sont facilements accessibles et très utilisés.Ces outils et médiums forgent la culture dominante [la plus partagée de tous-tes]. En effet, en devenant si présents sans que l’on s’en rendre vraiment compte, ces outils véhiculent des images, valeurs et modèles auprès du plus grand nombre. On parle alors d’uniformisation et de formatage. Nous sommes conditionné-es, plus ou moins à notre insu, par des contenus sélectionnés par le système1. La culture est devenue une industrie, au même titre que d’autres secteurs, sur laquelle le système capitalise et avec laquelle il peut facilement manipuler les gens. Mais qu’en est-il alors des courants marginaux, non élitistes et populaire ? Pour la plupart, ils sont également devenus des marchés pour le système. Il n’y a qu’à voir la culture hip-hop. Née dans la rue, elle fait maintenant l’objet de films tels que “Sexy Dance” ou Street Dance”, de clip passant en boucle à la télé ou encore d’un style vestimantaire promu par des marques spécifiques (Carhartt, Supreme, Obey etc.). Ou encore, la mouvance Drag au départ cantonnée à des Show Drag connus d’une petite communauté, maintenant objet de téléréalité (Drag Race); mais on peut aussi parler de n’importe quel style musical qui s’accompagne toujours plus de vêtements singuliers, d’accessoires ou toute autre forme de merchandising. Ainsi, le système capitaliste semble capable de s’emparer de n’importe quelle culture dite populaire et d’en faire profit sans difficulté. En effet, grâce à l’explosion du libéralisme2, depuis les années 70 et à ses grandes propensions individualistes, le système dispose d’un terreau ultra fertile pour faire affaire et créer des marchés à partir des désirs et aspirations identitaires des gens. Ainsi, des cultures à la base populaires, c’est-à-dire, du peuple, sont alors “popularisées” par le système, et donc capitalisables. La culture est alors devenue un produit de consommation vu principalement comme un divertissement3 et les courants marginaux ne feront qu’agrandire les stocks tant qu’ils s’inscriront dans les mêmes dynamiques libérales que les autres. C’est-à-dire, soumis aux effets de modes, diffusables à grande échelle, accessibles rapidement et donnant une impression de divresité permetttant à chacun-e d’y trouver son compte, sa place dans ce monde culturel. Voici donc les problèmes que nous identifions dans la culture moderne. Cell-ci est continuellement diffusée à grand échelle et accepte des mouvances marginales qui ne la mettent pas véritablement en péril. Voire même, elle les encourage en leur faisant croire à leur subvertion alors mˆme qu’elles servent le système capitaliste malgé elles. Cette apparence de diversité camoufle la dynamique résultante suffisamment uniforme qui est celle de la culture dominante. Si tant d’artistes peinent à vivre de leur profession, c’est en grande partie dû à ces logiques de culture dominante et de marché. En effet, le principal intérêt de la culture dominante est c’est le résultat. C’est-à-dire ce que ça provoque, ce que ça rapporte. Or, bon nombre d’artistes, qu’iels soient autodidactes ou formé-es, accordent une grande importance au processus qui les mène à la création finale. La plupart du temps, ce processus est bien plus conséquent en terme de temps et de moyens que la diffusion du résultat. Ainsi, pour beaucoup d’artistes, le rapport coût/recette n’est pas suffisant pour que le système y prête un intérêt quelconque. A cela s’ajoute l’aspect “impopulaire” de certaines formes artistiques parfois cataloguées à tord de trop intellectuelles,conceptuelles, abstraites ou élitistes. L’existence de ces formes artistiques qui ne rentrent pas dans le spectre de la culture dominante devient alors dépendante de l’émergence d’un entre-soi élitiste et aisé prêt à payer le prix pour accéder à des espaces artistiques quasi-privés. Un cercle vicieux de cloisonnement culturel est alors en marche.

Qu’entendons-nous par vie culturelle indépendante ?

Comme nous avons pu le décrire précédemment, nous identifions de nombreux problèmes dans la culture dominante. Développer une culture indépendante consisterait donc à développer une culture qui ne s’inscrirait pas dans des dynamiques industrielles, libérales et uniformisantes. En effet, pour nous la vie culturelle ne peut avoir de lien avec des logiques de productivité et de gain. Ainsi, mettre en place et encourager des événements ou moments culturels le moins monétisé possible4 est indispensable pour s’éloigner du plus possible de biais. Aussi, mettre l’emphase sur le processus en considérant l’importance du temps, en donnant de la valeur artistique à des moments d’exploration et de recherche est indispensable. Pour nous, le processus doit même être indépendant de toute idée de résultat. De plus, cette culture ne devrait pas être exclue du quotidien mais y être inclue le plus possible. Ainsi, la culture devrait faire partie de l’organisation sociale et collective. En effet, si la culture est communément portée et incarnée par des “artistes”, des “intellectuel-les” ou autres spécialistes, nous pensons qu’elle devrait aussi être investie par n’importe qui dans son quotidien; au travers de réflexions, tentatives et élans personnels et/ou collectif-ves. Pour autant, bien que nous défendions une culture indépendante, nous ne pensons pas qu’il soit souhaitable de se couper de l’extérieur. Les risques d’aboutir à une culture basée sur l’entre-soi et peu de remise en question seraient trop grands. Ainsi, il nous semble important de rester ouvert-es à la culture moderne, tout du moins au personnes qui y évoluent, afin de maintenir les échanges et les partages de visions.

Pourquoi développer une culture indépendante ?

Au delà de rompre avec la logique capitaliste, développer une culture indépendante donne la possibilité d’évoluer dans une culture à échelle normale. C’est-à-dire, une culture basée sur une réalité locale (pas pour autant hermétique). De cette façon, des couches de complexités et d’inaccessibilité d’une culture à grande échelle sont alors éliminées. Il devient donc possible d’ériger une culture qui a du sens pour les locaux et qui renforce l’esprit collectif à une échelle pertinente. De plus, en renforçant l’esprit collectif, nous pensons que l’émancipation d’un groupe vis-à-vis des dynamiques et réflexes dominant-es est favorisée. En effet, en constituant une culture commune basée sur un intérêt pour le processus et la remise en question, il est alors plus aisé de déconstruire des modes de pensées, d’encourager de nouvelles approches, et ainsi, de s’extraire petit à petit d’une uniformisation qui nous a été imposée. Aussi, à l’égard du caractère essentiel qu’a la culture dans nos vies, développer une culture indépendante et contextuelle permet de gagner en autonomie minimisant ainsi les méfaits du système sur notre vie collective. Nous dépendons donc le moins possible du système pour rendre nos vies riches en culture.

Comment développe t-on une culture indépendante au Mallouestan ?

Au Mallouestan, la vie culturelle et ses événements ne constituent pas un moyen de financer le lieu. En effet, dans de nombreux projets alternatifs et/ou militants, le culturel est un vecteur de rentrée d’argent. Nous n’avons pas de projet de financement via les événements autre que de futurs événements culturels. Ainsi, tous les événements que nous organisons sont à prix libre. Celui-ci permet ensuite de financer du matériel ou la rémunération d’artistes s’iels le souhaitent. Si nous défendons un modèle culturel le moins monétisé possible, nous sommes également conscient-es que beaucoup d’artistes se confrontent à des réalités financières difficiles. C’est pourquoi nous nous afforçons de constituer un budget pour pouvoir proposer, quand cela est possible, une rémunération proche d’un “cachet”. Ainsi, nous accueillons des propositions artistiques de l’extérieur tels que des concerts, des expositions, des pièces de théâtre, de la danse, de la poésie, ou tout autre forme. De plus, nous souhaitons proposer des moments conviviaux et festifs en lien avec un calendrier que nous allons constituer à base de dates en lien avec le lieu et le vécu du Mallouestan. D’autre part, nous accueillons des personnes en période de recherche qui peuvent, si elles le souhaitent, partager leurs réflexions, leurs idées ou autre. Par ailleurs, encourager une culture de remise en question et d’auto-critique nous semble essentiel dans un projet comme celui du Mallouestan. C’est pourquoi nous accordons beaucoup de temps et d’attention aux échanges, discussions et débats. Enfin, inscrire cet aspect culturel dans nos quotidiens fait partie de nos principales préoccupations. Nous souhaitons que chacun-e au Mallouestan parvienne à accorder du temps à des pratiques culturelles, des loisirs, à l’apprentissage de savoir ou autre expérimentation. Nous souhaitons que chacun-e alimente sa curiosité dans toutes les choses du quotidien et que les approches réflexive et créative du collectif en soient enrichies. Pour autant, ces diverses manières de manifester la cutlure dans nos vies ne peuvent déroger à notre approche globale et nos valeurs. Ainsi, tous ces événements et moments culturels doivent s’inscrire dans le cadre que nous avons défini au Mallouestan. De ce fait, la culture ne pourra être un prétexte d’excès et de dérive qui nuirait à notre démarche antitech Anti-tech, anti-libérale et écocentriste

Pour conclure

Pour conclure, ce texte met en avant l’importance de la culture dans un projet collectif autonome. Celle-ci doit inévitablement se défaire des dérives de la culture dominante qui est instrumentalisée pour uniformiser les pensées et devenir un énième produit de consommation. Ce phénomène touche même des mouvements plus marginaux qui, au final, servent le système en lui donnant une apparence de diversité. Ainsi, pour rompre avec cette culture dominante il est nécessaire de développer une culture indépendante. Celle-ci devra s’ancrer dans des paradigmes donnant plus de valeur au processus qu’au résultat afin de donner leur place à la réflexion et la remise en question. Ces dernières étant indispensables à l’autonomisation d’un collectif. Aussi, cette culture indépendante forgée par le groupe ne pourra qu’être à plus petite échelle et donc, plus contextuelle et sensée pour les locaux. Il faut néanmoins seprémunir d’un potentiel enfermement et rester un minimum ouvert-es à l’extérieur et ne pas rompre le contact avec les personnes évoluant dans la culture dominante. Enfin, nous avons donné quelques exemples de ce que nous ettons en place au Mallouestan pour développer une culture indépendante.

1 Nous appelons système l’ensemble des mécanismes liés à l’Etat, à l’économie capitaliste, à l’industrie et au libéralisme.

2 Le libéralisme peut être défini comme un courant de pensée, un élément culturel ou encore une organisation politique et ou économique. Sous toutes ses formes, le libéralisme est centré sur la notion de liberté individuelle et de sa valorisation.

3 La Fabrique du consentement de Noam Chomsky

4 Modalités financières pour les artistes

Notes